Si j'ai bien passé plus de 15 ans au sein du Groupe
Philips, je suis toujours incapable d'en dessiner un organigramme …
Cette
constellation était seulement « compréhensible » via son rapport
annuel, mais, la seule vraie religion étant l'argent, les diverses structures
étaient optimalisées que dans ce but.
Il y avait
donc un très grand nombre de branches, centrées sur un produit, déclinées sur
divers pays soit en tant que Philips soit via des accords avec des structures
locales cotées en bourse comme La Radiotechnique en France et Magnavox aux USA,
le niveau de complexification étant renforcé par l'existence ou non d'une
entité locale de production, puis, enfin, par sa présence commerciale sous une
autre marque commerciale.
Ouf !
Tous jeunes employés ayant survécu aux divers postes subalternes et arrivant
enfin au niveau de Directeur, avait l'unique opportunité de participer à un
stage international en Hollande en plein mois d'août ( car pris sur ses
vacances ) au titre racoleur de « Philips in perspective » , où là en
fonction des divers participants ils avaient la chance d'entre apercevoir
l'étendue de nos implications.
Du mien
j'avais donc découvert un Commercial batave heureux important par bateau des
ampoules d'éclairage car le pays où il était basé ne pouvait supporter que ces
achats, un cadre hollandais chargé de la délicate mission de faire assembler
des fers à repasser dans des monastères, un ingénieur italien impliqué dans un
programme ambitieux de création de Circuits Intégrés, d'un anglais se préparant
à prendre la direction d'une usine de sous ensembles bobinés, et du raton
laveur français !
Cette
souplesse pragmatique d'adaptation aux divers marchés nationaux était de plus
dans la mode de cette époque, une organisation en matrice, staff and line .
Si cette
structure est possible en régime de croisière, elle n'est pas réactive aux
nouvelles tendances, car la communauté des barons défendent leurs apanages .
Je ne suis
jamais complètement plié à ces problèmes de frontières, et grâce à l'appui de
la Direction de la Radiotechnique nous avons souvent devancés notre grand mère
hollandaise, que ce soit pour le Minitel le décodeur Canal+ l'informatique
domestique la télévision par satellite et plus concrètement l'automatisation
des productions.
Revenons au
contexte Radiotechnique ; cette société française héritière d'une défunte
Compagnie Générale de télégraphie sans Fil en 1919 produisait des tubes
électroniques ( les lampes de l'époque ) elle avait sous sa marque Radiola
introduit des récepteurs Radio innovants et dès 1931 Philips prend une
participation importante puis lance une OPA en 1996. Structure disparue en 2002
après 7 ans de contractions douloureuses.
Dans son
périmètre d'origine elle avait des activités de composants ( résistances et
condensateurs à Tours d'une société absorbée Coprim, c'est le C de RTC ) elle a
donc repris ces activités pour Philips dans sa filiale RTC .
Puis nous
trouvons sous diverses étiquettes des activités en écho sur les groupes
hollandais, soit en oubliant les activités de composants, la recherche
fondamentale LEP ( Limeuil Brévannes ), éclairage usine de Lunéville, tubes
électroniques usine de Chartres, tourne disque usine de Flers de l'Orne,
machine à laver usine d'Amiens, électronique professionnelle avec TRT et ses
usines, équipements médicaux, antennes et installations collectives avec
Portenseigne, informatique avec CTI, je pense avoir fait le tour mais ?.
Toutes ses
activités sont donc chapeautées par un siège Philips France avenue Montaigne
abritant une grande partie des services centraux : Commercial, Logistique,
SAV, et surtout un tout puissant Contrôle Budgétaire de consolidation des
structures en France.
Puis une autre
organisation Commerciale mais pour Radiola parc Monceau , puis enfin une dernière
organisation commerciale suite à l'absorption de la marque Schneider. Cette
dernière entité étant partie dans la création d'une entité Celmans, apportant
dans la corbeille son centre industriel du Mans.
Enfin venons à la Division Télévision basée à Suresnes pour tous services centraux et de développements, elle même organisée « staff and line » avec quatre axes : sous ensembles, téléviseurs, système de télévision, décodeurs. Ce partage va rester dans ses grandes lignes jusqu'à la fin, mais avec des produits et des rattachements commerciaux différents.
Pour la STV
structurée au début autour de la copie du premier jeu vidéo Odyssey de
Magnavox, puis vers les ébauches de l'informatique grand public, avec un
rattachement des activités de magnétoscope V2000, l'abandon de ce standard
devant le VHS a comme conséquence le renforcement des équipes de développement
en place dans les quatre axes, de même que le repliement ordonné par Philips
Eindhoven sur les téléviseurs moyens de gamme vont bénéficier de la
réaffectation des ingénieurs de développement, une fraction certaine me suivant
vers la nouvelle norme de télévision satellite D2MAC et le développement des
produits grand public .
Si il est
vraiment impossible de dessiner en 2D un tel enchevêtrement, ce qu'il faut peut
être retenir c'est que dans les faits l'organisation industrielle de la
Division était donc structurée autour de trois usines . Le centre de Nogent le
Rotrou étant l'expert en sous ensembles ( des bobinages aux sélecteur de canaux
ainsi que centre d'insertion automatique des composants ) . Le centre de
Dreux, traditionnellement dédié au montage des téléviseurs tant N&B que
Couleur. Le centre du Mans était un peu mixte puisque il tentait de répartir
ses effectifs pléthorique légués par Schneider autour d'un certain nombre de
sous ensembles et montage de téléviseurs Couleur de la marque Schneider.
Il faut
mentionner que ponctuellement, pour venir en aide aux problèmes de sous
occupation d'autres secteurs industriel de Philips, nous avions déporté des
activités industrielles tant sur une création momentanée d'une usine à Lille
que sur l'usine de Lunéville. Cette obligation de gérer au mieux les effectifs
existant n'ayant comme limitation que sur l'existence des fonctions de soutien
déporté ( Service Technique et Qualité ) .
Comme
préalablement documenté, le VG5000 a été réparti entre Nogent ( Insertion
Automatique et Contrôle Informatisé ) et comme paramètre d'ajustage entre Le
Mans et Nogent pour le montage final. Le centre de Nogent conservant la
totalité de la production des cassette Jeux sur une ligne totalement
automatisée.
Pour la petite
histoire, quelle était la répartition en Europe des activités de Télévision a
cette époque ? En oubliant toutes les activités d'intégration verticale
vers les sous-ensembles tels que bobinages, sélecteurs de canaux, alimentations
( Friwo le fournisseur de ces alimentations était dans le Groupe …) . La tête
emblématique était basée à Eindhoven où exploitant des pré-études du Nat Lab (
Laboratoire de Recherche avancée ) des générations de châssis de téléviseurs NB
puis couleur furent développés, industrialisés et produit en pré-série. La
production de masse était sur son usine de Bruges en Belgique.
Il faut se
souvenir qu'il y avait plusieurs systèmes de télévision, que ce soit sur le
lignage de l'écran et du codage des signaux ; cette diversité étant la
survivance d'effort nationaux de préservation de leurs prérogatives, la France
avait ainsi inventé le balayage en 819 lignes horizontales réelle amélioration
de la qualité de l'image pour le téléspectateur, puis sur des raisons
techniques tout aussi théoriquement importantes le codage couleur SECAM. Tout
cela va disparaître car le seul arbitre le téléspectateur se contente fort bien
du 625 lignes et d'un spectre de couleurs sur son écran que ce soit en PAL ou
en SECAM . Mais, pour satisfaire certains pays ce standard va se décliner en
variantes, que le téléviseur de monsieur Dupont ne peut pas recevoir. La France
va bien essayer de lui simplifier la vie en inventant la prise Scart, mais cet
avantage est rapidement adopté par tous.
J'oublie
volontairement le monde du NTSC l'ancêtre moteur de la colorisation de nos
écrans, car combiné à ses particularités d'alimentation électrique puis
d'adaptation du standard à des niche commerciales, il va rester dans le monde
US et ce n'est qu'avec le rachat de Magnavox que Philips va prendre
indirectement pied sur ces marchés.
Pour des
raisons tant techniques qu'historiques des développements locaux vont survivre en
Angleterre en Allemagne et en France. Laissant ainsi à des équipes de
développement quasiment autonomes la possibilité d'utiliser ou non des sous
ensembles développés à Eindhoven de créer et industrialiser leurs châssis et de
fournir la possibilité aux commerciaux nationaux d'imposer un style . La
France est ainsi restée bien longtemps amoureuse du faux bois vernis brillant
polyester, avant, de sombrer dans la vision Ikea des produits "européens".
En conclusion nous trouvons alors sur Croydon et ses laboratoires dans Londres
une activité complète, comme à Krefeld en Allemagne, et Suresnes en France.
Des centres de
Production prenant place à Bruges en Belgique, Monza en Italie, Noorköping en
Suède. J'oublie les sous-marques qui localement permettait à partir d'une
fourniture SKD ( Semi Knocked Down ) pouvait fournir une présentation
spécifique comme par exemple pour une société de location de téléviseurs.
Ce long
développement est hors sujet pour le strict sujet des VG5000/8000 , mais il devrait répondre à
votre prochaine question : Comment se fait-il que Philips soit retombé au
niveau des fers à repasser et rasoir électrique ?
Bon il faut se
méfier car derrière ces produits ostensiblement grand public le secteur des
équipements médicaux a bien survécue, mais mon dernier amour dans cette
constellation ( électronique secteur militaire ) est totalement mort.
J'ai déjà
souligné qu'une organisation staff and line va se scléroser dans des baronnies
opposées à toutes remise en question de leurs prérogatives. Mais dans Philips
il y avait deux autres faiblesses mortelles, une incapacité d'assumer un rôle
de leader mondial comme pour le CD ( association avec Japan Inc. ! ), une
vieille historique dépendance avec l'Angleterre ( car au moyen âge achat des toisons
anglaises tissage en Hollande vente des tissus par l'Angleterre ) et ses
phantasmes techniques particularisant tous possible standard européen en le
polluant de ses visions.
Et dans cette
réelle opportunité des Jeux Vidéos/ Informatique Domestique cette valse
hésitation va plomber son devenir. Ne pouvant se décider sur une approche
coordonnée de ce tout nouveau marché et d'engager le développement des circuits
intégrés de l'architecture informatique, notre génial patron hollandais va
faire confiance à la « Japan INC. » et croire aux vertus du MSX et
gober béatement les mirifiques Marketing Plans ; il n'a jamais vu, ayant
trusté tous les contacts avec ce Club MSX, que leurs visées n'était que de
vendre produits finis ( machine et logiciels ) et de tenir à l'écart tous les
autres en les obligeant à leur acheter tous les composants estampillés MSX ,
notre première offre de prix du clavier était à 40 US$ … La flèche de Parthe
étant la documentation le plus tard possible des modifications de l'OS, d'où
perte des ROM et retard de qualification et mise à disposition commerciale.
De mémoire,
VG8000 ( circa 82/83 ) et VG8010 ( circa 84 ) sont des produits développés et
produit dans notre structure, mais avec des impasses techniques voulues par le
commercial hollandais ( pas de port imprimante centronix, pas d'accès au bus
pour extensions, ni de sortie audio ) et surtout d'une escroquerie commerciale
sur une RAM documentée de 32K mais utilisée à 50% par la vidéo. Ce
positionnement bas de gamme c'est partiellement compensé par la
commercialisation d'un produit OEM le VG8020 ( circa 85 ) acheté chez Kyocera,
dernier sursaut de cette activité en hollande, qui avait aussi perdu un temps
fou avec des discussions autour d'une entente avec Thomson, qui eux,
intelligemment non jamais opté pour ce standard mort-né. Ces produits seront
fabriqués dans l'usine du Mans en quantité très variable mais faible, le marché
français étant resté fermé à ces produits.
Les deux
équipes de développement ( VG5000 & VG8000 ) étaient distinctes dotées
chacune d'une structure Line faisant appel aux spécialistes Staff existants.
Les ingénieurs
de pointe n'ont eu aucune difficultés après dissolution des activités soit
d'être embauché au dehors avec de substantielles augmentation pour certains, et
j'espère toujours pour les meilleurs d'entre eux que nous avons ré affecté au
dernier sursaut de fierté : la télévision par satellite au standard D2MAC.
Autre histoire,
autre reculade des divers acteurs, mais surtout résurgence des politiques ( il
nous faut garder le contrôle de notre communication!) ; enfin il nous
reste CNN pour entendre une autre musique, mais que nos électeurs écoutent bien
nos élucubrations ...