Ayant découvert par hasard un site dédié à l'un de mes projets, le VG5000, je vous propose sa genèse mais en termes simples.

Cet ordinateur domestique a été créé au sein de la Division des Systèmes de Télévision, dont j'avais l'honneur d'être le responsable.

La Radiotechnique, bien que filiale à 100% du groupe néerlandais Philips, conservait une certaine autonomie dans ses décisions stratégiques, le reliquat d'une absorption d'une société française célèbre par sa marque commerciale Radiola et de ses moyens tant commerciaux que techniques . Le Centre de Suresnes était dirigé par un brillant Directeur, qui tentait très souvent avec réussite, de faire évoluer notre actionnaire majoritaire .

Le VG5000 en est un exemple. Nous avions un savoir faire tant de développement que de production à un niveau supérieur aux caciques bataves, nous avions la possibilité de nous interfacer avec une France encore dynamique et en pointe sur beaucoup de sujets d'avenir.
 
Le Minitel a été développé par une équipe Radiotechnique en étroite collaboration avec les services d'état de l'époque qui avaient les compétences pour promouvoir des concepts, en assurer l'exploitation et surtout, de susciter un effort de création de circuits intégrés dédiés.

Cette première phase de nos compétences en mini-informatique grand public , s'est additionnée de celles acquise par l'introduction en France puis en Europe d'un des tout premier Jeu Vidéo de l'américain Magnavox (filiale de Philips).

Nous avions aussi grâce à nos contacts internationaux, une vision assez claire sur les évolutions tant technologiques que de production de grande série.

Si le Minitel n'a jamais eu l'aval de Philips qui était à l'époque a écouter des sirènes britanniques promettant un super minitel (projet avorté), le constat par les commerçants hollandais que notre VG52 se vendait fort bien et qu'il était déjà l'objet d'une exportation les a obligé a créer une division Video Games.
Mais ses dirigeants ne rêvaient que de Téléviseurs alors notre grand responsable vint de la Division des Rasoirs électriques. Ce grand écart culturel était la mauvaise fée sur notre berceau. Mais nous avions un jeune et brillant Responsable Commercial en France chez Philips, qui lui, comprenait et savait pressentir les évolutions.

Parlons un peu du Marché, très simplement pratiquement pas d'approche grand public de l'informatique, nous étions tous fasciné par Le PC AT d'IBM qui pour un prix prohibitif offrait un ordinateur sans logiciels mais avec la possibilité de les créer soi-même ( oh ! Souvenirs du BASICA … puis enfin la révolution de l'introduction du LOTUS123 ).

Seul Radio Shack offrait sur le marché américain un produit grand public avec son stockage de masse sur cassette audio.
Les produits de Jeux Vidéos étaient très rares, car tous demandent le création de logiciels ludiques, mais a cette époque de programmation en langage machine la ressource humaine et son interface avec les créatifs est, au mieux, en voie de développement.

A ce stade vous devez prendre conscience que le dilemme originel n'est toujours pas résolu : faut-il un produit spécifique aux jeux Vidéos, ou bien, l'utilisation d'un logiciel sur votre ordinateur personnel ? . C'est encore plus incertain actuellement avec les téléphones portables.

Notre équipe autonome de soutien actif de notre gamme VG52 et de ses adaptations aux marchés mondiaux ( quelles crises sur les tensions et aspect physique de la prise de courant! ) avait aussi développé une cassette autorisant la programmation en BASIC.

Mais cette approche était irrationnelle car utilisant une interface dédiée aux cassettes Jeux il nous fallait jongler pour retrouver une structure ordinateur. Mais c'était aussi l'opportunité d'utiliser réellement le brillant argument commercial du VG52 offrant un clavier AZERTY, cette invention US était je crois, la vraie raison d'achat par les parents soucieux d'initier leurs enfants au futur de l'informatique. Ce produit était vital car il nous a obligé a cataloguer toutes les déviances du standard BASIC aux variantes locales et de création de nouvelles commandes.

Le ministre de l'éducation nationale de l'époque, décidât avec beaucoup de conviction de l'introduction imminente d'un contrat de fourniture de 100.000 ordinateurs personnels. Il semblait alors évident que ce projet était crédible et ne pouvait qu'être soumissionné que par les deux seuls industriels français : Thomson et Radiotechnique ; si nous avions des références identiques sur l' architecture américaine, notre concurrent avait lui des appuis politique . De toute façon nous devions découvrir que ce bel effet d'annonce n'était qu'un attrape nigaud, mais, revenons en arrière.

L'architecture de notre VG5000 s'est basée sur le jeux de Circuits Intégrés développés pour le Minitel et d'un accès compatible en terme de coûts car en production importante, le choix du cœur ( le microprocesseur ) est le résultat d'une longue étude mondiale faisant le tri entre les réalités ( disponibilité et prix ) et les visions dynamiques commerciales enthousiastes.

Ayant solidifié son double approvisionnement, nous avons construit le premier « ours » une réalisation prototype mélange d'une forêt de fils et de bouts de circuits imprimés s'étalant sur une notable surface .

Il nous a permis de développer son logiciel ( Operating System ) grâce a l'embauche d'un ingénieur anglais que nous avions eu beaucoup de mal à trouver, car ses rares homologues français étaient aimantés par le grandiose plan informatique national et son entreprise associée. Cet OS devait donc non seulement prendre en compte le Basic de la norme mondiale ANSI et de certaines de ses déviances, mais offrir une interface logicielle aux cassettes des Jeux Vidéos pré existants. Oui ce compromis était aussi l'ouverture sur notre marché installé et un plus commercial sur le mirifique marché de l'éducation.

Ce développement a conduit à diverses options mais souvent plus de compromis que en conformité avec nos souhaits. Le clavier était issu du Minitel ( déjà une extrapolation technologique du clavier du VG52 mais avec une production en France ) sa taille réduite était en utilisation sans récriminations ( nous n'aurions jamais imaginé
  à cette époque celle actuelle des téléphones portables ! ).

Si nos efforts d'approvisionnement des composants avaient éveillés les fournisseurs japonais entre autres,  cette nation était d'une cohérence commerciale implacable et si nous avons longtemps rêvés d'un stockage des données sur la toute nouvelle cassette 3,5 pouce, mais la longue découverte du prix réel, nous a contraint à utiliser cette cassette vidéo et son lecteur enregistreur externe delà grand public.

Pour de strictes raisons de prix de revient les dimensions du boîtier et par conséquence celles du Circuit Imprimé ont émergés des approches d'esthétique et souhaits commerciaux. De même pour préserver une production de masse la fonction alimentation électrique était reportée sur un boîtier externe.

Ce que seul certains experts peuvent voir en autopsiant un VG5000 que ce produit était conçu pour être assemblé sur une ligne entièrement automatisée, que ce soit du contrôle électrique du circuit principal venant de machines d'insertion automatique des composants, au montage dit en porte feuille de ce circuit par un robot avec un poignet articulé dans son boîtier plastique. Cette simplicité acquise lors de la conception nous a accompagnée en attente de cette commande merveilleuse mais … jamais concrétisée.

Sans soutien de la Division hollandaise qui n'écoutait que des sirènes japonaises sur un mirifique standard mondial MSX pour les jeux vidéos , ce produit VG5000 semble avoir apporté une réelle initiation à l'informatique a beaucoup d'adolescents, dont mes garçons.

Que dire de l'autre produit soutenu par la Hollande ? Je confesse qu'une autre de mes équipes s'est motivée pour développer le VG8000, produit mort né issu des rêves utopiques de mutualiser des logiciels ludiques, mais, totalement phagocyté par les astucieux industriels japonais nous offrant en surplus des circuits intégrés un clavier dit homologué MSX mais au prix d'un ordinateur domestique disponible dans le quartier Akihabara de Tokyo.

Que retenir de cette aventure technique et humaine ?

Que le groupe Philips n'a jamais pu assumer son rôle de leader mondial, de compromis en accord croisé de participation pour minimiser les risques, les financiers ont pris le pouvoir.

De leurs non prise en compte de l'arrivée du digital dans les produits grand public, malgré les alarmes de notre organisation, la lente disparition de notre société française, puis de la totale dissolution de Philips autour de divisions marginales mais réputés rentables.

Humainement nous avons eu la chance de vivre une période enthousiasmante où dans une France avec de vrais grand projets d'avenir, les générations de jeunes ingénieurs étaient armées pour de tels développements, dans un contexte européen encore prisonnier de ses préférences nationales des standards de télévision aux dimensions des prises électriques ; mais, le rôle d'avant-coureur peut aussi être mortel .

                                                                                                                                                               
            En toute amitié JCG
                                                                                               ( Je suis éventuellement facile a retrouver sur les réseaux sociaux pour ceux de la Radiotechnique )



interview de Carl Hervier  en 2014